Interférométrie à masque de Fizeau (Partie II)

Une équipe d’Astram Bordelais pour leurs premières franges

Tests au T60 de l’observatoire de Bordeaux

C’est donc équipés de ce premier masque à écartement variable (décrit dans la partie I de l’exposé) que nous avons attaqué l’appréhension fine de la génération des franges d’interférences. Le constat s’est vite imposé, selon lequel la marge de variation de contraste annoncé par la théorie combinée aux variations d’écartement des trous du masque pour C8, limitaient fortement le domaine d’exploration des faibles séparations angulaires. En résumé, il fallait plus gros !

Jean Montanné et Bernard Trégon devant le premier masque

Premières franges non filtrées, obtenues avec une caméra Audine

En vue de résoudre nos premières sources par interférométrie, nous avons donc décidé de réaliser un masque de plus grande dimension, pouvant s’adapter sur des télescope de la gamme des 60cm de diamètre

Premières images de l’ensemble 26/06/00 La partie large sera fixée sur le télescope l’autre, où coulissent les masques, tourne autour de l’axe optique du télescope.

Grâce à l’amabilité du directeur, M. CASTETS, qui nous en a autorisé l’accès, nous avons rodé le système sur le télescope de 60 cm de l’Observatoire de Bordeaux-Floirac. Le montage s’est effectué le 11 juillet 2000

Montage du masque occulteur devant le Télescope
Masque occulteur vu de l’intérieur du Télescope
Camera Audine au foyer Cassegrain

Nos premiers essais avec le T60 cm de Bordeaux ont confirmé ce que nous avions évalué : comme les franges se resserrent au fur et à mesure qu’on espace les trous la focale de 9,30m du télescope est un peu trop courte. Voici un exemple de franges obtenues dans cette configuration

Il est important de bien observer la baisse de contraste dans les franges correspondant à la situation où l’on commence à résoudre l’étoile. Aussi, avons nous poussé la focale à près de 20 m avec une lentille da barlow. Voici ce qu’on observe maintenant sur une étoile non résolue :

Orientation du masque 45° et 90°

Avec maintenant un échantillonnage de près de 0.1″ par pixel, les franges sont bien espacées quand on écarte les trous au maximum c’est à dire de près de 60 cm. Dans la première image, les trous font un angle de 45° par rapport à l’équateur, dans la deuxième, ils sont parallèles à l’équateur. L’orientation des franges est perpendiculaire à la direction des trous. Armés de ces informations, nous étione prêts a envisager une mission complète pour mesurer des objets faibles par cette méthode interférométriques.

Mission à l’observatoire de Saint Véran (08/2000)

Pour illustrer notre premier travail structuré sur l’interférométrie stellaire amateur, voici le descriptif de notre mission du mois d’août 2000 avec l’ambiance, le site et la manip que nous avons mise en place sur le T62. Cette petite présentation conviviale est suivie du compte rendu d’observation paru dans « La lettre d’AstroQueyras » n°30 de Février 2001, rédigé par Michel Faucherre :

Avec de gauche à droite au Premier rang :L.Sarounova, B.Trégon, R.Soubie Au deuxieme rang : J.Montanné, M.Faucherre, C.Ninet, M.Hernandez, J.C.LeFloch, D.Bouiges

Compte-rendu de mission à AstroQueyras du 21 au 27 Août –partie interférométrie

Michel Faucherre, Jean Montanné et Bernard Trégon

Ambiance de mission

Cette mission comprenait plusieurs volets (recherche et astrométrie d’astéroïdes, observation d’objets Messier, photométrie …); trois secondes parties de nuits furent consacrées à l’identification des problèmes en interférométrie stellaire et planétaire, et à l’enregistrement de quelques séries de franges sur Europe et Callisto, satellites de Jupiter, sur a TAU et sur une binaire serrée; de fait ce type de mesures dépend tellement des conditions du seeing que nous avons régulièrement contrôlé son évolution à l’observatoire, des mesures que nous relatons à la fin.

Le site en aout 2000

Le confort d’une observation à l’observatoire est impressionnant.

Le T62 Astroqueyras

Notre démarche consiste à n’utiliser que des outils accessibles ou réalisables par les amateurs: AstroQueyras, un grand masque à deux ouvertures (“Maskatrou”, réalisé par Bernard et par Claude Ninet) et des logiciels d’ACQ et traitement de données CCD, tels Prism ou Pisco; le seul maillon qui manque chez les amateurs est un logiciel qui sélectionne les “bonnes images” après calcul des transformées de Fourier rapides (TF) des images successives (pour en déduire la visibilité des franges -ou plutôt l’histogramme des moyennes des |TF|2 normalisées des franges…). Nous verrons aussi qu’il faut adjoindre à la caméra CCD un obturateur –mécanique, ça suffit- pour que le temps de pose soit compatible avec le temps d’évolution du seeing (< 50msec dans le visible), qui est aussi le “temps de non bougé” des franges; ceci parce que ces caméras n’ont pas de lecture vidéo (balayage standard: 20msec)… l’absence de données quantitatives lors de cette mission provient entre autres du fait que nous ne sommes pas parvenus à descendre au dessous de 110msec de temps d’exposition avec la caméra ST8; ceci fut cependant possible avec l’Audine de Jean Montanné, au prix d’un smearing excessif.

Le masque de Fizeau sur le T62

Les gens de CORA emportaient avec eux un masque circulaire de 70cm de diamètre (Fig. 1) en bois comportant deux ouvertures carrées de côté 8,3cm dont la séparation peut varier de ≈25 à 58cm grâce à un moteur; de plus il est prévu que ces deux trous puissent tourner autour de l’axe optique du T62, ceci pour l’observation des binaires. Quelques adaptations furent nécessaires pour que le masque puisse se fixer à l’avant du télescope, car le support du secondaire est assez haut au-dessus de l’entrée (moteurs de focalisation). Le seul problème rencontré est celui des courtes bases nécessaires pour la mesure des satellites de Jupiter, dont les tailles sont comprises entre 0,7 et 1,7 secondes d’arc (’’), ce qui correspond à des bases pour les résoudre entre 25 et 10 cm respectivement; pour ces courtes bases, nous avons construit sur place un masque en carton à plusieurs bases fixes, qui nous a permis de résoudre Europe à l’œil.

Le problème de l’échantillonnage est critique en interférométrie; il faut alors une grande focale et de petits pixels, de façon à avoir au moins deux pixels par frange pour la plus grande base Bmax. Angulairement, une telle frange mesure l/Bmax = 0,65 X 0,206265 / 0,58= 0,23arcsec (’’). Grâce au doubleur de focale procurant une focale de 18,6m et des pixels de 9µm, aussi bien avec la ST8E qu’avec l’Audine, la résolution, ou angle vu par un pixel, est de 9 X 0,206265 / 18,6= 0,1’’, donc la plus petite frange couvre 2,3 pixels, c’est bien.

Autre point qu’il faut contrôler très fréquemment: la focalisation; en effet les franges n’apparaissent que dans la partie superposée des deux images; mais les images se séparent aussi, et beaucoup plus vite, sous l’effet pervers du seeing ! de fait cette question de la superposition est critique quand il s’agit de mesurer le contraste des franges: il chute de 10% dès lors que les deux images sont décalées de 15% de leur diamètre, et nous étions dans la situation la pire avec un seeing, situé entre 1 et 2’’, de l’ordre du diamètre de diffraction (: l/D = 0,65X206,265/83 ≈ 1,5’’); c’est en effet dans ce cas que l’effet du “tilt” atmosphérique, qui se traduit par des variations aléatoires autour du foyer du photo-centre de chaque image, est le plus grand. Nous le savions mais n’avions pas le choix; à ceci deux solutions: sélectionner les “bonnes images”, quand elles se superposent à mieux que 95%, ce qui revient à en jeter 4 sur 5, ou bien “vibrer” les faisceaux, c.a.d. les faire passer sur des “tip-tilt”, c.a.d. des miroirs plans à deux axes de rotation qui recentrent très rapidement les deux images au même point (on parle d’optique adaptative au premier ordre); plusieurs amateurs construisent actuellement en France de tels systèmes, équipés de 4-quadrants comme senseurs de tilt; ceci est de beaucoup la meilleure solution mais elle a un prix…

Nous avons utilisé essentiellement deux logiciels pour l’acquisition des images à franges, qui se sont révélés tout à fait adéquats: PRISM et CCDOBS (livré avec la ST8), et un peu PISCO. Malheureusement notre principale limite est venue de la durée minimale d’exposition avec la ST8, de 110msec; il a fallu être sur place pour réaliser cette terrible limitation ! la seule solution à ce problème serait de limiter les poses à moins de 50msec avec un obturateur… ou bien d’observer les franges à l’œil: le seeing en fin de nuit était souvent plus lent, ayant pour effet une amélioration du contraste des franges; le “temps de pose” de l’œil permettait alors de “geler” les franges. Avec la ST8, afin de limiter le flux par pose (éviter la saturation) et la bande spectrale pour améliorer la visibilité, un filtre Wratten rouge a été utilisé; on aurait souvent pu filtrer davantage.

Le masque de Fizeau sur le T62

Observations : Un grand merci à Jean-Christophe et à Jean pour l’aide avec les logiciels d’acquisition ! Dans l’ordre, ont été observés: Aldébaran, Capella, Europe, Callisto et ADS 16877, une double dont les composantes de magnitude 6,3 et 7,2 sont séparées de 0,46’’. Nous avons enregistré en moyenne 50 poses de 0,11sec pour chaque objet, à plusieurs bases. Par ailleurs, les satellites de Jupiter ont été observés surtout à l’œil, en raison du temps de pose trop long et du seeing; il est souvent possible d’observer trois satellites simultanément, et de constater des différences de contraste des franges entre eux, en moyenne. Cependant une cause importante de dégradation du contraste provient de la mauvaise superposition; il faut donc sélectionner les images (1 sur 10 en moyenne utilisable).

Les explications concernant la méthode d’observation ou plus généralement sur les programmes scientifiques sélectionnés peuvent être trouvées dans les références suivantes: Faucherre M., ATCO spécial Nº 53 de déc. 97 (Interférométrie stellaire dans le visible: Objectifs, État des lieux et Perspectives) et Nº 65 d’octobre 99 (Interférométrie stellaire et amateurs: Approches et suggestions). Ces textes sont a retrouver en bas de page.

Quelques images à travers l’interféromètre des objets (sélection des 90^2 pixels centraux): de gauche à droite: a TAU à 27cm de base, contraste observé gobs≈0,6; la binaire serrée ADS16877 à 33cm de base, presque résolue (gobs≈0,15) pour cette direction (c.a.d. perpendiculaire à celle des franges); Capella, saturée, et mauvaise superposition des images, mais les franges y sont (en haut) !

Résultats préliminaires : Europe a été “grossièrement” résolue (voir méthode en Fig. 2) à l’œil, donnant un diamètre compris entre 0,7 et 0,9’’ (pour la distance à Jupiter ce jour-là, on aurait dû trouver 0,69’’). Par contre les séquences enregistrées sur Europe, en raison du seeing (≈1,3’’), n’ont rien donné. Par ailleurs, la binaire a été résolue pour une base de 33cm, avec l’Audine, parallèle à la direction du couple (trouvée à ≈ 9º de la direction des lignes de la CCD), avec un temps de pose de 50msec, et en utilisant le “maskatrou”, ce en dépit d’un important “smearing” sur l’Audine (:les colonnes correspondant à l’image sont “brillantes”). Nous avons aussi vérifié que pour la même base, mais perpendiculaire, le contraste des franges était maximum. Le traitement définitif des images obtenues, par transformée de Fourier, qui est beaucoup plus rapide, sera fait plus tard, lorsque nous aurons enregistré en plus des séquences à temps de pose inférieur à 50msec (et pris systématiquement des “dark” juste après !).

Commentaires sur le seeing au pic de Château-Renard : Une caractéristique importante des nuits pendant lesquelles nous avons observé est une amélioration constante du seeing en cours de nuit, jusqu’à des valeurs inférieures à 0,7’’, et nous avons démarré la première nuit (23-24 août) vers 2AM à 3’’ (5 à 10PM), jusqu’à 1’’ en fin de nuit, pour finir la dernière nuit (25-26 août) avec 1’’ au début et 0,7’’ à la fin. Deux méthodes ont été utilisées pour mesurer le seeing: La méthode de Danjon et la mesure de la largeur à mi-hauteur d’une étoile, bien échantillonnée. Il est à noter que parallèlement, les objets étaient périodiquement voilés par des vagues de cirrus bas, qui se traduisaient par une quasi extinction sur la CCD; un ciel non photométrique donc, obligeant à interrompre les observations. Mais le fait important reste que le site semble adapté aux mesures à haute résolution, avec un seeing situé souvent sous la barre des 1’’, en tout cas pendant le temps de la mission. Ceci justifie qu’un effort soit fait pour enregistrer régulièrement -c.a.d. lors de chaque mission- la valeur du seeing, à l’aide d’un “seeing monitor” rudimentaire, mais facile à utiliser. Il serait bon pour cela de prendre contact à l’ESO avec Marc Sarrazin, qui peut aider au développement d’un tel instrument. Il reste encore à savoir si le seeing peut être bon lorsque le ciel est photométrique, ce qui fut la raison d’être de cet observatoire ?

Conclusion en 08/2000 : La méthode a été testée lors de cette mission, et quelques difficultés bien identifiées; une mission ultérieure n’est concevable que si au minimum nous disposons d’un obturateur permettant de sélectionner le temps de pose entre 10 et 60msec, et d’un masque permettant les courtes bases –jusqu’à 10cm- et une rotation q autour de l’axe optique, où q serait accessible de l’”extérieur”. L’excitation provoquée par cette première mission laisse à penser que la volonté éxiste pour se doter de ces outils pour juin 2001… et alors, pourquoi pas: Quelques mesures de binaires?

La méthode a été testée lors de cette mission, et quelques difficultés bien identifiées; une mission ultérieure n’est concevable que si au minimum nous disposons d’un obturateur permettant de sélectionner le temps de pose entre 10 et 60msec, et d’un masque permettant les courtes bases –jusqu’à 10cm- et une rotation q autour de l’axe optique, où q serait accessible de l’”extérieur”. L’excitation provoquée par cette première mission laisse à penser que la volonté éxiste pour se doter de ces outils pour juin 2001… et alors, pourquoi pas: Quelques mesures de binaires?

Conclusions quelques années plus tard, nous avions bénéficié des connaissances de Michel Faucherre pour la mesure des contrastes, mais ces estimations étaient dues à son immense expérience de la détermination des contrastes de franges en visuel. Restait donc à mettre au point des procédure d’estimation des contrastes automatique, et de profiter de plus de l’évolution des sensibilités des caméras disponibles sur le marché amateur. Cela s’est révélé payant (voir partie III)